L'église Saint-Houardon

Qui est saint Houardon ?
Selon une légende, saint Houardon a miraculeusement traversé la Manche au VIIe siècle, dans une auge de pierre pour rejoindre la Bretagne. L’existence d’un monastère dédié à ce saint est effectivement attestée au XIe siècle à Landerneau. La scène de ce périple est représentée sur l’un des tableaux de l’église peint par Yan’ Dargent.
À partir de la fin du Ve siècle, de nombreux moines quittent les îles britanniques pour fuir les invasions anglo-saxonnes et émigrent vers la Bretagne armoricaine. Dans le premier tiers du VIIe siècle, l’ermite écossais Houardon s’installe aux abords du gué de l’Élorn, près de Landerneau et y fonde un établissement monastique. Cet ermitage, « le claustrum sancti Huardon » qui signifie « cloître [du monastère de] saint Houardon », est mentionné vers 1050 dans le cartulaire de Landévennec. Comme d’autres saints à l’origine de Landerneau, on lui prête un destin prestigieux puisqu’il devient évêque de Léon en 642.
Sur le tableau Un Miracle de saint Houardon le peintre Yan’ Dargent représente l’épisode de son voyage vers la Bretagne. Il navigue sur la Manche, guidé par des anges, dans un bateau lesté de pierres que la légende a transformé en auge de granit. De nombreux ermites sont réputés pour avoir emprunté le même type de transport. Un article de La Voix de Saint-Houardon de 1973 évoque l’existence « d’un petit sarcophage de 1,39 m qui passait pour avoir été l’auge miraculeusement flottante », conservée dans l’église. Déplacée à plusieurs reprises après la destruction de l’édifice en 1858, il est impossible de savoir si elle existe toujours.
3 documents

La première église de Saint-Houardon
L’église de Saint-Houardon est construite au XIVe siècle près de l’Élorn. Jugée trop petite pour accueillir les fidèles, un projet d’agrandissement est envisagé. Malgré la forte mobilisation des partisans de sa conservation, l’édifice est détruit en 1859.
À partir du XIVe siècle, l’église est édifiée au bord de la rue de Brest, près de la rivière. Elle est entourée d’un cimetière auquel on accède par un escalier. À l’intérieur de l’édifice se trouvent quatre chapelles latérales.
Au cours du XIXe siècle, l’état du bâtiment questionne : situé au bord de l’Élorn, il est souvent inondé et ne peut accueillir que 1600 personnes sur un total de 6000 habitants. Un document datant de 1849, conservé aux archives diocésaines de Quimper et Léon confirme que « dans les jours de fête, despersonnes [y] ont couru le danger d’être étouffées par la foule trop serrée ». Dès 1845, l’ingénieur Frimot souligne les faiblesses de l’édifice. Opposé à la construction d’une nouvelle église, il propose de l’agrandir en lui adjoignant deux vastes chapelles latérales. Ce projet reçoit le soutien de 300 personnes. En vain, trop dégradée, l’église est démolie en 1859, son emplacement ne permettant pas d’en augmenter suffisamment la surface.
Aujourd’hui, il subsiste encore des vestiges de ce premier sanctuaire rue Alain Daniel : la fontaine appelée Fontaine-Goz ainsi que l’ancien presbytère construit en 1751. Par ailleurs, certains décors comme le clocher et le porche ont été préservés et intégrés à la nouvelle église.
4 documents

Une reconstruction ambitieuse
À partir de 1858, démarre le chantier de réédification de Saint-Houardon transformée en une église moderne et dans l’ère du temps. Ce projet, confié à l’architecte du département Joseph Bigot, a pu aboutir grâce à l’intervention de l’amiral Romain-Desfossés.
Le chantier de la nouvelle église de Saint-Houardon est une des grandes opérations de modernisation du paysage urbain landernéen entre 1858 et 1860. Elle est bâtie sur une partie des anciens jardins de l’hôpital de la Marine, domaine du couvent des Ursulines jusqu’en 1792, au nord de la ville et non loin de l’emplacement de la future gare. Cette église au goût du moment devient un instrument du pouvoir communal, les membres du conseil de fabrique de la paroisse étant également membres du conseil municipal. Des jardins sont aménagés sur son pourtour et le quartier est reconstitué à grand renfort d’expropriations.
Ce chantier ne doit son aboutissement qu’à la générosité de son bienfaiteur l’amiral Romain Desfossés (1798 – 1864). Grâce à ses relations privilégiées avec l’Empereur Napoléon III, 40 000 francs sont alloués au projet par le souverain, lors de son passage à Landerneau en 1858.
C’est l’architecte départemental quimpérois Joseph Bigot (1807-1894) qui est chargé du chantier. Pour Saint-Houardon, il opte pour le type basilical, un édifice plus imposant influencé par le modèle de la cathédrale, qui devient dominant à partir de 1865. Il s’agit de sa première église à fenêtres hautes et déambulatoire, ce qui tranche avec ses réalisations précédentes. Elle témoigne de ses difficultés à transposer le plan de la cathédrale gothique à un édifice plus modeste tout en conservant une identité régionale.
La volonté de demeurer dans une tradition locale est surtout visible sur la façade principale, avec l’intégration de décors de l’ancienne église. Malgré la complexité des travaux et les relations difficiles avec la main d’oeuvre, le chantier s’achève en 1860. L’édifice a coûté 150 000 francs et devient le deuxième monument religieux du département par ses dimensions, après la cathédrale de Quimper.
4 documents

Les toiles de Yan'Dargent
Dans le contexte de ce chantier, l’État achète une toile de Yan’Dargent Un Miracle de saint Houardon, en 1860. Cette première toile sera complétée par un ambitieux programme décoratif de ce même artiste pour l’église.
Les liens entre l'artiste Yan’Dargent (1824-1899) et Landerneau sont multiples. Après le décès de sa mère, son père s’y installe avec sa seconde épouse comme tanneur, et une partie de sa famille continue d’y habiter après son décès.
En 1859, il peint Un Miracle de saint Houardon et le présente au Salon de Paris où l’œuvre ne rencontre aucun succès. Un document des archives nationales de 1860 indique que l’État accorde « pour la décoration de l’église Neuve de Landerneau, un tableau exécuté par Mr Yan Dargent et représentant Un miracle de St Houardon » pour 2000 francs. S’il ne s’agit pas officiellement d’une commande de Napoléon III, il est vraisemblable que le choix du thème et la réalisation de cette œuvre monumentale ne soient pas dus au hasard, l’État ayant co-financé la reconstruction de l’église.
Trente ans plus tard, Yan’ Dargent propose de décorer Saint-Houardon de dix-sept toiles monumentales. À partir de 1889, il exécute neuf premiers tableaux pour le chœur. Dès 1892, le peintre entame la réalisation de huit autres toiles de plus grande taille pour orner la nef. Le chantier prend du retard à cause d’un désaccord financier avec la paroisse et est définitivement interrompu par sa mort en 1899. Seules trois œuvres sont effectivement livrées même si la correspondance du curé Fleury nous indique que Yan’Dargent en a peint deux autres. Il revend l’une d’elles, La mort de Salaün ar Foll, à la paroisse de Saint-Servais qui la conserve toujours.
Les tribulations des toiles de Yan’Dargent (1957 – 2000)
En1956, une partie de la voûte de l’église s’effondre. De gros travaux de restauration de la charpente sont alors nécessaires. Le prêtre profite du chantier pour désencombrer l’église de certains ornements liturgiques dont les tableaux de Yan’ Dargent.
La peinture Un miracle de saint Houardon est entreposée dans l’ossuaire Saint-Cadou. Quant aux douze autres toiles monumentales, elles sont déposées chez un antiquaire de Morlaix pendant de nombreuses années puis transférées à l’Évêché de Quimper en 1980. Elles sont finalement restituées à la Ville de Landerneau en 1989 à l’occasion d’une grande rétrospective dédiée à Yan’Dargent. Très abîmés par de mauvaises conditions de stockage elles sont restaurées et replacées à Saint-Houardon pour la fin 1999.
7 documents

Le porche
En 1604, l’église Saint-Houardon s’orne d’un nouveau porche que l’on a superposé à un plus ancien datant du XVIe siècle. Contrairement à la tradition, l’entrée d’honneur va être aménagée côté nord et non au sud du monument. L’édifice est enserré dans les propriétés voisines et ne peut s’étendre à l’extérieur que dans ce sens.
Par une étonnante prise de conscience patrimoniale, lors du déplacement d'une partie de l'édifice en 1858, il est convenu de démonter avec soin, pierre par pierre, le clocher et le porche, les parties les plus remarquables de l’édifice, puis de les remonter en les intégrant au nouveau bâtiment. L’entrepreneur numérote toutes les pierres afin de les replacer dans le bon ordre car sinon « il répondra à ses risques et périls de la démolition et du replacement de cette œuvre d’art qui exige des précautions délicates ». Certains de ces numéros y sont toujours visibles aujourd’hui. Le porche est remonté sur le flanc sud de l’édifice, retrouvant ainsi la disposition habituelle des entrées monumentales d’églises.
Haut de 22 mètres, il compte parmi les plus grands et les plus beaux porches en kersanton de la vallée de l’Élorn. Ceux de Trémaouézan et Ploudiry en sont inspirés. De l’arcade de plein cintre de l’entrée jusqu’au dernier lanternon, tout le répertoire architectural et décoratif de la Renaissance s’accumule avec le souci de ne laisser aucun espace vide.
2 documents