Aux temps anciens

Aux temps anciens

Aux Ve et VIe siècles, le gué de l’Élorn attire les migrants bretons (de Grande-Bretagne) chassés par les Saxons. De même origine que les Celtes qu’ils rencontrent sur le continent, les nouveaux venus sont cependant chrétiens. Au VIIe siècle, des moines de Cornouailles, du Devon et du Pays de Galles prennent la mer pour les rejoindre et débarquent sur les côtes bretonnes.

Saint Ternel, qui donne son nom d’abord à un ermitage de la rive gauche de l’Élorn puis à un village, fait partie de ceux-ci.

Dès la seconde moitié du XIIIe siècle, sous l’influence de François d’Assise, un vent nouveau souffle sur l’Église et amène le développement des ordres mendiants, franciscains, dominicains, trinitaires ou carmes, adaptés à l’évolution spirituelle et économique de la société urbaine.

S’interdisant de posséder des biens fonciers, de type seigneurial, comme les Bénédictins ou les Cisterciens, les ordres mendiants ne vivent que de l’aumône. À la fin du XVe siècle, le vicomte Jean II de Rohan autorise des frères franciscains venus de l’île Vierge, au large de Plouguerneau, à s’installer sur des terres bien plus clémentes de la jeune ville de Landerneau.

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Jehan II de Rohan, dessin de vitrail de l’église des cordeliers de Nantes, BNF, Gallica

L’époque des frères franciscains

Le 12 août 1488, le vicomte Jean II de Rohan, sire de Léon, établit à ses frais, avec l’accord du pape et de l’évêque de Quimper, un couvent de franciscains observants (frères mineurs ou cordeliers) « dans la chapelle de Saint-Arnol située sur [son] fief dans la paroisse de Saint-Thomas, au diocèse de Cornouaille » et décide de faire « ériger, construire et édifier les bâtiments, église, réfectoire, cimetière béni, et autres constructions nécessaires et utiles à l'usage, séjour et logement des frères et des hommes de cette communauté » (P.-H. Morice, Mémoires…, t. III, col. 597). Une promesse de versement d’une petite rente annuelle, à prélever sur les terres locales du vicomte, suffit à apaiser les craintes du prieur de Saint-Thomas, inquiet de la concurrence que la création mendiante pourrait faire à son église, dépendance de l’abbaye de Daoulas. Telle est l’origine de la fondation franciscaine de Landerneau, implantée sur l’emplacement de l’ermitage présumé de Ternoc.

Une réforme de l’ordre de Saint-François, à la fin du XVIe siècle, y amène les Récollets qui occupent le couvent jusqu’à la Révolution. Les Récollets, du latin recolligere (revenir à l’écoute de Dieu), représentent, comme les observants cent ans plus tôt, un rameau réformé de l’arbre franciscain. Les frères reviennent à une stricte observance de la règle de Saint François d’Assise, en particulier par un souci de vivre dans une extrême pauvreté et par la place donnée à la prière. Le couvent abrite également un studium, un centre d’étude, et une bibliothèque. Une école, enseignant aux garçons, est attestée en 1498, elle relève du diocèse de Cornouaille.

L’importance de l’établissement, bâti dans le style néogothique dominant en ce temps – certains éléments décoratifs caractéristiques en ont été retrouvés lors des travaux de reconstruction récents – reste modeste en regard de ses homologues des grandes villes bretonnes (Nantes ou Rennes). Il n’abrite probablement pas plus de quinze à vingt frères. La nef de l’église conventuelle mesure 31,18 m de long sur 8,44 m de large pour une hauteur de 12,96 m sous la clef du lambris. Il n’en attire pas moins, sous l’Ancien Régime, l’attention de la bonne société locale, si l’on en juge par l’érection de quatre chapelles latérales et la mention de quelques fondations pieuses qui contribuent à son embellissement : en 1725, un aveu de la seigneurie voisine du Roual (Dirinon) révèle notamment que, « en l’église des révérends pères récollets de Landerneau, [le sire du Roual possède] un banc actuellement ruiné, étant du costé et au-dessous de la chaire, et droit d’armoiries dans la vitre au-dessus dudit banc, proche les balustres, relativement à la transaction passée par devant les notaires du Châtelet de Paris le deux octobre mil six cens quatre-vingt-seize, entre la dame comtesse d’Acigné, lors propriétaire de la terre et seigneurie du Roüalle, et le sieur de Chef de L’étang Le Dolle, fondé en procuration des révérends pères, gardien et autres religieux dudit couvent ». La place du banc seigneurial à proximité des balustres du chœur des religieux et sous la chaire à prêcher (une des fonctions essentielles des frères mendiants), le décor armorié des vitraux soulignent l’importance que l’élite sociale continue d’accorder aux prières des frères.

En 1790, les congrégations sont supprimées, les frères récollets sont expulsés comme les religieux des autres congrégations. Le couvent est vendu par l’État et acheté par un négociant de la ville.

 

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Les ermitages de Landerneau, extrait de Histoire de Landerneau, réalisation Jean Kerhervé/Skol Vreiz

Le mystérieux Saint-Ternoc ou Saint-Ernel

Mentionné dans un manuscrit du IXe siècle conservé à Angers, Ternoc ou Ternec, Terneo ou encore Ternel serait le fils de saint Judicaël, roi des Bretons, et de la reine Morone, princesse d’Aginense (territoire supposé s’étendre de Plouguerneau à Saint-Mathieu). Ternoc suit son oncle saint Judoc dans la profession monastique et s’installe avec lui sur les bords de la Canche, dans le Ponthieu. À la mort de saint Judoc, vers 669, Ternoc arrive dans le Léon et s’établit sur les bords de l’Elhorn, où il bâtit une cellule d’ermite et une petite église (Lann Ternoc).

L’historien du XVIIe siècle Albert Le Grand y voit l’origine géographique et étymologique de Landerneau. Autour de cette église primitive, qui précède celle des Récollets, se développe au Moyen Âge le village de Saint-Ternel. La tradition rapporte que Saint Ternoc devient ensuite évêque du mythique canton d’Illi, dont le bourg de Trégarantec serait alors le siège. Selon le manuscrit d’Angers cité plus haut, il aurait été le troisième évêque de Léon, après Paul Aurélien (saint Pol) et Jaoua. Il meurt au début du VIIIe siècle.

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Plan général de Landerneau au milieu du XVIIIe s. Coll. médiathèque de Quimper, inv. 1374320_1.

Les frères récollets et la Marine

Dès le XVIIe siècle et le développement de l’arsenal de Brest, un véritable service des vivres est organisé à Landerneau : la rivière, facilement navigable, facilite les échanges entre les deux ports. Le principal magasin de la marine se trouve au couvent des Récollets, relié à la ville par une « levée » ou digue construite en 1756 par les moines le long de l’ancien chenal. La cale facilite le chargement et le déchargement sur les chaloupes en période de basses mers. Les fours du couvent servent à la cuisson du pain destiné aux troupes en quartier dans la ville.

De 1757 à 1784, le monastère est constamment occupé par la Marine contre un loyer annuel de 1 500 livres. Après de nombreuses années d’utilisation intensive avec les lourds charrois du roi, qui transportent en particulier les pierres destinées à la construction des fortifications de Brest, la levée des Récollets apparaît défoncée et rongée par la mer. Quelques pierres incluses dans les édifices reconstruits au XIXe siècle et des bornes d’amarrage retrouvées lors des travaux en 2015 rappellent l’existence de cette ancienne digue, avant-port de Landerneau.

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