Le temps des sœurs bénédictines

Gravure du monastère du Calvaire ç la fin du XIXe s. Coll. ville de Landerneau 2003.7.63

Le temps des sœurs bénédictines

Expulsées pendant la Révolution, les sœurs bénédictines, placées sous le vocable de Notre-Dame-du-Calvaire, rappelant la souffrance de Marie à la crucifixion de Jésus, ont économisé le moindre sou dans l’espoir de refonder des monastères. Elles relèvent sept couvents, dont celui de Landerneau en 1813. La population étant restée très pratiquante, les sœurs sont accueillies avec liesse. Les religieuses ramènent dans l’ancien monastère la prière mais aussi l’enseignement en ouvrant un pensionnat pour jeunes filles, mission qui leur permet de s’assurer un revenu régulier. Le vieux monastère compte alors 30 religieuses et une seule novice.

Après la séparation des Églises et de l’État, l’école du Calvaire fonctionne de 1904 à 1913 avec une directrice laïque. L’établissement est réquisitionné en 1914 puis en 1939 pour servir d’hôpital militaire. Les sœurs bénédictines ont repris l’enseignement. À la fin de la guerre, les Bénédictines étant de nouveau cloîtrées, des sœurs de la congrégation du Saint-Esprit assurent les cours en louant une aile du monastère jusqu’en 1953. Des religieuses franciscaines rejoignent alors le couvent pour ouvrir une institution destinée aux enfants handicapés. Les moniales bénédictines quittent le Calvaire en 1977 pour s’installer dans l’abbaye de Kerbénéat en Plounéventer.

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Chapelle du Calvaire, chœur des religieuses. Carte postale, coll. ville de Landerneau FRM29103_2013.

La vie au couvent

Les religieuses sont issues essentiellement des meilleures familles de la société. La part de leur héritage n’est pas négligeable lors de leur entrée au couvent où les questions de succession sont bien définies. En fonction de leur rang social, les sœurs se consacrent essentiellement à la prière où elles sont chargées des tâches domestiques.

Entrée au noviciat le 12 août 1838, la jeune Arsène-Marie Le Vicomte de la Houssaye, née à Saint-Brieuc en 1813, tente de retracer le rythme bien orchestré de ses journées dans une lettre écrite à son père : « Je voudrais bien pouvoir vous donner l’ordre et la distribution de mon temps, mais je ne suis pas assez au fait. Je fais ce que l’on me dit, je vais où je suis conduite, sans trop savoir à quel point en est le jour. Cependant, je puis vous dire que nous sommes au chœur depuis 6 heures jusqu’à 8 heures ou 8 heures un quart, que pendant ce temps nous faisons l’oraison d’une heure, disons Prime et Tierce, et nous avons ensuite la Sainte Messe. A 10 heures, le dîner, qui est reculé à 11 heures les jours de jeûne de la règle et à midi pour ceux prescrits par l’Église. Vêpres à trois heures. Souper à 5 heures ou 6 heures, quand c’est une collation. À 7 heures Complies et à 8 heures coucher. Je ne sais plus à quelle heure nous disons Sexte et None, je crois que c’est à 10h½ et midi ½ (...). Je suis toujours bien embrouillée pour le cérémonial, il est plus difficile à apprendre que celui de la cathédrale quand Monseigneur officie ». (L’Écho du Calvaire, 1935). L’adaptation de la jeune femme n’est pas facile, elle pense partir, mais sa vocation est la plus forte : elle prend l’habit le 10 décembre 1838 sous le nom de sœur Saint-Paul et on lui confie la première classe du pensionnat. Aux élections de 1850, elle est nommée mère supérieure.

Note : La prière de None, 9e heure après le levant, est en réalité vers 15 heures.

 

 

 

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Mademoiselle Le Moigne, directrice du pensionnat en 1904, avec sa mère. Arch. des sœurs calvairienne

La vie du pensionnat

Chaque année, au 1er octobre des groupes de fillettes, après les trois mois de vacances d’été en famille, rejoignent le vieux monastère. Au pensionnat, dans les salles d’études, tout se réorganise, entre les leçons et les temps de prière. Les larmes des plus jeunes coulent parfois pendant quelques jours : elles n’ont que 5 ans et demi. Les plus âgées préparent le baccalauréat.

Les temps studieux sont entrecoupés de nombreuses activités de loisirs, de discussions animées, de parties de cache-cache parfois dans des endroits mystérieux du couvent ou des jardins. Deux professeures de musique, enseignant le violon et le piano, sont présentes et assurent non seulement des cours hebdomadaires mais aussi de nombreux concerts, où Mozart, Chopin, Liszt, Haendel, Bach sont au programme et enchantent élèves et sœurs. Les jeunes élèves préparent aussi assidûment des pièces de théâtre, à sujets religieux ou profanes. Le cinéma compte parmi les activités favorites des jeunes filles. Parfois le projectionniste se rend au Calvaire, parfois les élèves sortent, - précieux moments d’évasion dans une existence très occupée par l’étude : « 19 février 1934 : les pensionnaires vont voir Ben Hur, avec Ramon Novarro, au cinéma du Patronage à l’occasion d’une séance organisée par les élèves des écoles libres. Deux à deux, sur un rang bien droit, car nous tenons à l’honneur de notre pensionnat, nous défilons sous les regards des Landernéens, accourus sur le pas de leur porte ou derrière les rideaux des fenêtres pour assister à cet événement sensationnel ‘’Le Calvaire dehors ! ‘’. Quelques disques, les actualités, puis ‘’le clou’’ de la représentation Ben Hur ». (L’Écho du Calvaire, 1934). Si le charme des acteurs ne laisse pas les élèves indifférentes, les sujets sont choisis avant tout pour alimenter la réflexion spirituelle !

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Personnel du US Camp Hospital n° 46. Cliché Digital Public Library of America.

Le monastère pendant les deux guerres mondiales, un couvent-hôpital

À la suite de la déclaration de guerre avec l’Allemagne, en août 1914, le Calvaire est réquisitionné pour l’hospitalisation des réfugiés du nord. La rentrée se fait quand même en octobre.

Plus de 800 000 soldats américains débarquent à Brest de novembre 1917 à l’automne 1918, plus tous ceux qui, à partir de 1919, transitent par le grand port du Ponant pour regagner les États-Unis. En avril 1918, les Américains s’installent au Calvaire qui prend le nom de US camp hospital n°46, complétant ainsi la chaîne sanitaire américaine. Le choix de Landerneau s’explique par sa proximité avec Brest et la présence de la voie ferrée qui facilite le transport des patients. Les camp hospitals apparaissent comme les structures secondaires, mais indispensables, des grands hôpitaux que sont les base hospitals n°1 et n°5, installés dès l’arrivée des Américains à Brest. Environ 1 150 patients ont été soignés dans le camp hospital de Landerneau. Un bail est établi, permettant aux sœurs de continuer leur enseignement. Entre les dignes religieuses et les sammies, exubérants et faisant volontiers l’étalage de leur opulence, l’entente est courtoise dans un premier temps. Les Américains offrent des chocolats aux pensionnaires ; les sœurs et les élèves préparent une célébration pour l’Independance day du 4 juillet. Mais la tension se fait sentir : les sœurs tiennent à leur autonomie. Et voilà qu’au lendemain de l’armistice, les Américains souhaitent offrir un bal à la société de Landerneau, dans le dortoir Saint-Joseph du pensionnat ! « Qu’auraient pensé nos bonnes mères d’autrefois, si elles avaient pu prévoir l’avenir ? », s’indigne la mère supérieure, « Et nos anciennes élèves, conviées à cette fête en étaient un peu interloquées, même gênées ! On avait bien essayé, Monsieur le curé et Monsieur l’aumônier en tête, d’arrêter le délit, mais on dut se soumettre » conclut-elle, dépitée. De manière significative, tout est fait, avocat à l’appui, pour éviter, en février 1919, la réinstallation de structures américaines au Calvaire ! (Archives des sœurs calvairiennes de Landerneau).

Le Calvaire est de nouveau réquisitionné, dès le début de 1939, pour servir d’hôpital complémentaire en cas de déclaration de guerre. Les deux classes les plus nombreuses sont logées dans des salles du rez-de-chaussée de l’établissement, le réfectoire sert aux élèves, au personnel et aux religieuses. Les sœurs s’occupent également du linge de l’hôpital. Le nombre de blessés augmentant, des baraques en bois sont construites face au pensionnat.

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