Des origines à 1510

Avant le pont, le gué
Au carrefour de plusieurs routes et par sa localisation en fond de ria, le site de Landerneau devient un passage très fréquenté, propice à la naissance d’une ville.
Un carrefour
Landerneau sur L’Élorn naît au point où la marée cesse de se faire sentir et où la rivière peut être franchie aisément. Le site, au carrefour des routes de Morlaix et de Carhaix à Brest et de Quimper à Lesneven, est occupé dès l’Antiquité. Utilisé sans doute dès l’époque gauloise pour le franchissement à gué de la rivière, il devient, au cours des premiers siècles de notre ère, un point de passage obligé entre le nord et le sud du territoire.
Plus encore, la localisation de fond de ria, au carrefour d’une voie navigable et de plusieurs routes terrestres, est surtout propice à la naissance et au développement d’une petite bourgade. Cette position stratégique continue, sans doute, de lui conférer un rôle important dans la circulation régionale, au cours des siècles suivants.
Du gué au pont
Le franchissement de l’Élorn ayant été possible par un gué, la nécessité d’un pont est moins impérative qu’ailleurs. Sa construction est tardive et ne semble guère remonter au-delà du XIIe siècle. L’existence d’un pont primitif, peut-être en bois, est attestée en 1336, date de la fondation d’un hôpital « à la tête du pont » par Hervé VI, vicomte de Léon.
Le gué : endroit peu profond d’une rivière que l’on peut traverser à pied.
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1510 : la reconstruction du pont
Centre de gravité de la ville, le pont est rebâti quasiment de fond en comble en 1510, comme l’atteste l’inscription dédicatoire gravée sur une pierre, actuellement placée à l’entrée du pont.
Un nouveau pont en 1510
À cette date, Jehan II vicomte de Rohan fait reconstruire le pont et y établit un péage. Titulaires de ce droit, les seigneurs de Rohan doivent en retirer un substantiel revenu qui sert, pour partie, à son entretien. C’est le meunier du moulin établi sur le pont qui en tient la ferme.
On établit sur ce pont deux moulins sous un même toit. Ils occupent un édifice modeste mais remarquable par son architecture et sa décoration, d’autant plus qu’il est destiné à servir aussi d’auditoire de justice et de prison. Dans l’alignement du bâtiment, vers le nord, le vicomte fait bâtir deux “ petites bouticles ” de rapport implantées côte à côte, le tout mis en fermage. Depuis le début du XVIe siècle au moins, le pont est donc bâti et habité, phénomène commun dans les cités médiévales.
La pierre de fondation du pont
« L’AN MIL VC X, HAULT (ET) PUISSANT JEHAN, VICONTE DE ROHAN, CONTE DE PORHOET,/SIGNEUR DE LEON, DE LA GARNACHE, DE BEAUVOIR SUR MER (ET) DE BLEIGN, FIST FAIRE/CES PONTZ ET MOULI(N)S, AU DEVIS DE M(AISTRE) MARC SAGET, P(ROCUREUR), (ET) JEHAN LE GUIRYEC, RECE(VEUR) DE CESTE VILLE. »
Cette pierre de fondation se trouve, à l’origine, placée au-dessus de la porte du moulin du pont. Elle est démontée en 1897, après la destruction de ce bâtiment et stockée chez l’entrepreneur Le Meur, chargé de la construction du nouvel immeuble du pont. Replacée, au début du XXe siècle dans la propriété Kerprigent, l’actuelle mairie, elle est déplacée à plusieurs reprises, puis regagne définitivement le pont à la fin des années 1980.
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Le Pont de Jehan II de Rohan
Qui est donc ce personnage dont le nom est attaché au pont habité de Landerneau ?
Jehan II l’ambitieux
Héritier de la branche des Rohan issue du Porhoët, en centre Bretagne, Jehan II de Rohan possède à lui seul le cinquième de la Bretagne. En épousant Marie, une des filles du duc François 1er de Bretagne, il se rapproche de la couronne ducale, rêve ancien des Rohan, qui ne va jamais se réaliser. Toute sa vie il intrigue dans le conflit qui oppose le duc de Bretagne au roi de France, désireux de rattacher ce riche duché à son royaume. Son ambition amène le versatile vicomte à trahir la cause bretonne lors des guerres d’indépendance. Il ne cesse de comploter pour unir son fils aîné, François, à Anne, la fille aînée du duc François II qui n’a pas d’héritier mâle. Ses ambitions sont définitivement ruinées lors du mariage de la duchesse Anne avec le Roi de France, Charles VIII, en 1491.
Jehan II le bâtisseur
Le vicomte de Rohan s’impose aussi comme le plus grand bâtisseur de tous les Rohan, construisant, entre autres, les châteaux de Corlay et Pontivy, rénovant ceux de Blain et de Josselin ou de la Roche-Maurice. Plutôt présent en Centre Bretagne, fief ancestral de la famille, il s’intéresse néanmoins à ses possessions léonardes. En 1488, il fonde le couvent des Cordeliers à Landerneau. En 1505, il est le chef d’escorte de la reine Anne de France, à Landerneau, lors de sa visite du duché. Sept ans plus tard, il confirme et augmente les donations de ses ancêtres à l’hôpital Saint-Julien, situé à l’entrée du pont. Il fait aussi reconstruire plusieurs châteaux de sa vicomté de Rohan ; la Roche-Maurice devient alors l’unique forteresse de la seigneurie de Léon maintenue en état de défense.
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La symbolique du passage
Le pont permet à l’homme de franchir des obstacles naturels ou artificiels, ici la rivière, et accorde aussi aux hommes de circuler et de se rencontrer.
Le passage
Au XIVe siècle, le pape Grégoire XI accorde des indulgences aux fidèles qui participent à la réparation du pont endommagé. En effet, l’ouvrage est nécessaire « au salut de ceux qui le traversent » : il assure la sécurité du passage, garantit l’accès à l’hôpital situé à l’entrée du pont et permet aux pèlerins de gagner leur salut en se rendant aux sanctuaires léonards ou cornouaillais.
Seul moyen de circulation des véhicules entre les deux rives de l’Elorn jusqu’à la construction du Pont Albert Louppe en 1930, son trafic est parfois contrarié : « récemment un samedi jour de foire l’encombrement a été tel sur le pont, que la circulation a été interrompue pendant deux heures » note le conseil municipal en 1867.
Entre Léon et Cornouaille
Relier des territoires de manière fixe et durable, telle est la fonction première du pont. Il sert ainsi d’élément de liaison organique entre deux pôles urbains : les quartiers Saint-Thomas et Saint-Houardon. Traditionnellement, le lit de l’Elorn sert de partage entre les diocèses de Léon et de Cornouaille, deux des neufs évêchés de la Bretagne historique. Le dicton « paz oun var pont Landerne meuz eun troad e Leon hag eun all e Kerne », « Quand je suis sur le pont de Landerneau, j’ai un pied en Léon et un autre en Cornouaille » atteste bien cette division. Le Léon et la Cornouaille apparaissent comme deux « pays », contrastés à la fois par le relief, l’économie et le caractère de leurs habitants. Le Léonard correspond à un homme aisé mais taciturne, le Cornouaillais semble plus humble mais jovial. Au XVIIIe siècle, à Landerneau, le quartier Saint-Houardon est traditionnellement celui des négociants et armateurs alors que celui de Saint-Thomas, est celui des artisans et petits métiers.
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