Une histoire du sport à Landerneau du XIXe siècle à nos jours

G. Felep, La Course, peinture sur toile, Fin du XIXe siècle, Ville de Landerneau, Collection patrimoniale.
Le papegault, « Rôle des Arquebusiers de Rennes », 1532 – début XVIIe siècle, Collection et © Archiv

Les origines du sport au Moyen Âge

Les jeux et les exercices physiques pratiqués au Moyen Âge et jusqu’à la Révolution sont considérés comme une véritable soupape de décompression pour la population. Relevant à la fois du registre sportif et militaire, ils allient bien souvent la violence à l’esprit chevaleresque et ont pour objectif l’entraînement à la guerre. De plus en plus encadrés, ils sont progressivement assimilés à des droits seigneuriaux en Bretagne, comme le papegaut ou la quintaine.

Le papegaut désigne une cible faite d’un oiseau de bois fixé au sommet d’une perche, ou au-dessus d’une porte de remparts et qu’un archer doit abattre. Ce droit est accordé, en 1536, à une trentaine de villes bretonnes puis supprimé à la fin du XVIIIe siècle. À Landerneau, l’oiseau se plaçait sur la tour de l’ancienne église Saint-Houardon.

La quintaine est une joute nautique qui consiste pour un cavalier à rompre une lance de bois contre un poteau aux armes du seigneur. Chaque année, en mai, la quintaine d’eau se pratiquait à Landerneau sur l’Élorn, par opposition à la quintaine de terre qui se courait à cheval.

D’essence celtique, la lutte est un art du combat qui s’appuie sur le goût des Bretons pour les jeux de force. En Bretagne, dès le XIVe siècle, des tournois sont organisés lors de Pardons ou de fêtes. Pour l’anecdote, en 1543, Ambroise Paré, chirurgien de François 1er, assiste à un combat de lutte à Landerneau. L’un des lutteurs meurt accidentellement et le chirurgien profite de sa présence sur place pour autopsier le corps. La soule désigne une balle, le plus souvent en cuir, remplie de foin, de sciure, ou même gonflée d’air. Le jeu, considéré comme l’ancêtre du rugby et du football, consiste à s’en emparer à grands coups de poing ou de pied pour l’apporter en un lieu situé parfois à plusieurs kilomètres de distance. Très violent, plusieurs fois prohibé, il opposait jusqu’à 500 participants de paroisses différentes.

Pour pratiquer la crosse, chaque équipe de joueurs doit pousser, à l’aide d’une crosse en bois, une bille de bois ou de pierre dans un trou situé dans le camp opposé. Encore pratiqué au XIXe siècle, ce jeu est probablement à l’origine du hurling ou du hockey.

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Bataillon scolaire, patronage de Port-Launay, Fin du XIXe siècle, collection Musée de l’école rurale

L’armée, l’école et le sport

Au sortir de la défaite de 1870, l’impréparation des soldats français est montrée du doigt. Les ministères de l’Instruction publique et de la Guerre, en promouvant la gymnastique et le tir, impulsent un mouvement en faveur du sport dans le dernier tiers du XIXe siècle.

Dès 1869, un décret rend obligatoire la gymnastique dans les écoles, mais son application est difficile, par manque d’équipements et de personnel formé. L’école primaire publique des garçons de Landerneau, dotée d’un matériel assez complet, fait partie des établissements réputés pour son enseignement. Dès 1880, des exercices militaires sont associés à la gymnastique dans tous les établissements publics de garçons. Les enfants apprennent à défiler et à manier le fusil à l’aide de modèles en bois. Des bataillons scolaires sont créés en 1882 mais ils disparaissent 10 ans plus tard.

C’est le Front Populaire qui réorganise le sport scolaire sous l’impulsion de Léo Lagrange et Jean Zay en 1936. Enfin, dans les années 1960, à la suite des résultats désastreux de la France aux Jeux Olympiques de Rome, Maurice Herzog donne une orientation définitivement sportive aux pratiques scolaires.

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Fête de famille, partie de tennis, années 1910 – 1930, Ville de Landerneau, collection patrimoniale,

Un sport bourgeois ?

Le travail est au XIXe siècle au centre du système social des sociétés industrielles, la bourgeoisie en faisant sa principale valeur. Par opposition, le loisir est critiqué du point de vue moral et économique parce qu’on pense qu’il prédispose à l’oisiveté et au relâchement des mœurs, en générant des comportements déviants. Dans les dernières décennies du XIXe siècle, les bourgeois changent d’attitude à l’égard des loisirs faisant de la pratique des sports une discipline réservée, d’abord, à un petit groupe de privilégiés.

En 1865, parmi les traits communs à toutes les petites villes, l’écrivain landernéen Max Radiguet observe dans sa ville natale « que la jeunesse oisive y tient, comme on le sait, une place importante. Les désœuvrés sont partout de la même école. Le sport sous toutes ses formes les plus modestes est l’affaire capitale de leur vie au lieu d’en être le délassement ».

Parmi ces disciplines, la seconde moitié du XIXe siècle voit se développer en Bretagne les sports dits bourgeois comme l’équitation, le golf et le tennis.

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Programme d’un concours hippique à Landerneau, 1949, collection particulière.

À cheval !

La naissance des sociétés hippiques

Au sortir des guerres napoléoniennes, en 1815, il faut reconstituer une cavalerie très éprouvée, tout en répondant à des besoins accrus en matière d’animaux de travail, d’attelage et de selle. Le développement des sports équestres exige également des animaux de qualité, sélectionnés en fonction d’objectifs de plus en plus ambitieux au regard de la rapidité ou de l’aptitude au saut. C’est dans ce contexte que, dans la lignée du voisin anglais, naissent, au milieu du XIXe siècle, les premières sociétés hippiques, dont celle de Landerneau.

Afin de dynamiser l’élevage du cheval breton, elles organisent des concours et fêtes équestres, encouragées par les pouvoirs publics.Le photographe Yan de la Fosse-David (1912 – 2008) préside la Société hippique de Landerneau après la Seconde Guerre mondiale. Installé à Landerneau dans les années 1930, passionné de chevaux, il devient photographe officiel des haras nationaux. En 1948, il organise les Grandes Fêtes de Landerneau, - avec la participation exceptionnelle du Cadre Noir de Saumur -, qui attirent plus de 25000 personnes sur le stade Kerbrat.

 

L’hippodrome de La Martyre – Landerneau

En France, les premières courses de chevaux sont disputées par les paysans à l’occasion de fêtes populaires, sans organisation ni contrôle. Pour promouvoir la race chevaline, les pouvoirs publics encouragent le développement des courses équestres, ce qui entraîne le doublement du nombre d’hippodromes en France, au milieu du XIXe siècle. Ces manifestations connaissent un engouement formidable du public, tout particulièrement en Bretagne.

Dans le Finistère, le préfet incite en 1841 « à former une association pour établir des courses de chevaux dans le département ». Le choix de La Martyre, à proximité de Landerneau, s’impose pour tracer le premier hippodrome du département, d’autant que la commune est déjà connue pour ses grandes foires aux chevaux. Les premières courses s’y déroulent en juillet 1841, organisées par la Société des courses de La Martyre et attirent 20000 spectateurs malgré le mauvais temps. Jusqu’en 1972, ces manifestations ont été un grand rendez-vous mondain mais aussi un évènement populaire exceptionnel, au mois de juillet de chaque année.

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Défilé du patronage catholique,1908, Collection Archives de l’Evêché, Quimper.

Des clubs pour encadrer la jeunesse

Parallèlement aux lois qui instituent l’éducation physique à l’école, les pouvoirs publics décident de mettre sur pied des organisations d’encadrement de la jeunesse, afin d’occuper et de discipliner les enfants, tout en promouvant une formation militaire de masse. Sur le modèle anglais, des fédérations se mettent en place, encourageant le développement des sociétés sportives et des patronages catholiques ou laïcs, à la fin XIXe siècle. Le sport, par la passion qu’il suscite, devient alors clairement un enjeu et un terrain d’oppositions politiques et partisanes. La loi de 1901 va libérer les associations du carcan administratif et entrainer la floraison d’une multitude de sociétés sportives. Encouragées par les pouvoirs publics, ces sociétés participent à toutes les fêtes des villes ou des villages, défilant dans un ordre impeccable, en scandant leur chant ou au rythme des tambours, derrière leur drapeau, à l’image des régiments.

 

La Landernéenne : « La société de tir et de gymnastique de Landerneau » (1887)

Un peu partout en France, des sociétés de gymnastique et de tir, comme celle de Landerneau, surnommée communément « la Landernéenne », se constituent. Elles contribuent, jusqu’en 1914, à l’éducation patriotique des Français, en imposant le renouveau des exercices physiques liés à la préparation militaire. La fin de la Première Guerre mondiale va arrêter les activités de « la Landernéenne » qui y perd beaucoup de joueurs, de dirigeants et ses ressources. En 1920, la municipalité lui affecte un terrain pour les sports : le Stade de l’Élorn, qui prend le nom de stade Kerbrat en 1951. Le club se compose de 2 sections : l’une pour le tir, l’autre pour le football et l’athlétisme. Dans les années suivantes, la société de préparation militaire de la fin du XIXe siècle devient un club sportif à part entière, essentiellement tourné vers le football.

 

Le patronage des Gars d’Arvor

Dans les années 1880-90, les exercices physiques ont une forte coloration laïque et républicaine. Le courant catholique suit le mouvement au début du siècle suivant, sous l’impulsion de la création à Paris de la Fédération gymnastique et sportive des Patronages de France en 1903. Le clergé laisse alors de côté ses préjugés anti-sport, pour ne pas se couper des intérêts de la jeunesse catholique, dans un contexte de guerre scolaire et de séparation de l’Église et de l’État. Fondé à la fin du XIXe siècle pour l’organisation des vacances scolaires, le patronage catholique ou « patro » de Landerneau devient l’association des Gars d’Arvor en 1906. Elle regroupe à la fois des gymnastes, des basketteurs, des footballeurs, des pongistes, mais aussi des musiciens.

 

Les disciplines pratiquées au sein des clubs

La gymnastique occupe une place majeure au sein des sociétés sportives et patronages. Basée sur des mouvements naturels, elle ne nécessite qu’une infrastructure limitée et se pratique souvent en plein air. Les exercices tels que les mouvements de bâton ou des figures d’ensemble sont privilégiés. Le basket est introduit en France en 1896 mais il ne se développe véritablement qu’à partir de 1914, sous l’impulsion des soldats américains. Il va très vite avoir les faveurs du clergé car il nécessite moins de moyens matériels que le football. En 1945, le football fait son entrée au « Patro » et un terrain est aménagé au Quinquis-Leck à cet usage. Les liens des Gars d’Arvor avec la paroisse de Landerneau se défont peu à peu et les sections prennent une orientation essentiellement sportive. Après trois tentatives de rapprochement, à partir de 1969, les deux clubs de la Landernéenne et des Gars d’Arvor sont dissous et fusionnent le 16 mai 1997, donnant naissance au landerneau Football Club.

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Fêtes de l’aviation des 23 et 23 juin 1912, Ville de Landerneau, collection patrimoniale.

Les fêtes aériennes

Les fêtes de l’aviation

En 1909, Louis Blériot réalise la première traversée de la Manche, performance qui entraîne la multiplication des meetings d’aviation. Après Quimper, en 1910, la Ville de Landerneau organise le sien en 1912. D’après un article du Courrier du Finistère, « les fêtes d’aviation organisées à Landerneau n’ont pas réussi. La faute en est au vent violent qui, dimanche et lundi, passait en rafale sur l’aérodrome qui avait été improvisé, sur les bords de l’Élorn, à la hauteur du Calvaire. Et cependant, dimanche, près de 5 000 personnes s’étaient dérangées pour assister au vol des deux aviateurs engagés. […] À six heures, rien encore. À ce moment, un remous se produit dans la foule mécontente et ceux qui avaient payé leur place, réclament leur argent. On doit faire appel à quelques soldats pour empêcher l’envahissement de l’aérodrome. » Le jour suivant, l’aviateur Allard tente de faire voler son biplan, qui, à cause du mauvais temps, fait un atterrissage mouvementé dans une prairie voisine. Éjecté de son appareil, le pilote est légèrement blessé.

 

Les fêtes aérostatiques

Les ballons symbolisent l’idée de la fête, mais représentent surtout un sentiment de liberté totale. Aussitôt le premier envol effectué par les Frères Montgolfier en 1783, la France connait une vague d’émulation aérostatique sans précédent. Les fêtes aérostatiques se multiplient au XIXe siècle et suscitent un vif engouement de la population. Dépassant la simple ascension, elles deviennent de véritables créations festives auxquelles les spectateurs peuvent également participer. Dès 1894, les organisateurs proposent de leur associer des courses cyclistes et des rallyes-ballons, rendant alors cette manifestation interactive. Dans la Dépêche de Brest, le comité organisateur des fêtes du 11 juillet 1909 à Landerneau « adresse le plus pressant appel à tous les cyclistes, automobilistes, cavaliers […] pour le rallye-ballon qui suivra le lancement dudit ballon, le dimanche 11 courant […] sur le quai Saint-Houardon. Une magnifique statue de bronze […] sera offerte au premier arrivant au lieu d’atterrissage du ballon. »

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Course cycliste sur piste au vélodrome de Landerneau, 1948, Ville de Landerneau, collection patrimon

Les courses cyclistes

Le développement des courses cyclistes

Le cyclisme se développe dès la fin du XIXe siècle en Bretagne, grâce à la tenue des premières courses comme celle de Paris-Brest, organisée dès 1891, qui assurent la promotion de ce nouveau sport. À Landerneau, la pratique du cyclisme s’intensifie dans les années 1920. Un vélodrome de 333 mètres de long est aménagé au Champ de foire en 1938. En 1942, les courses se font sous la houlette de la Landernéenne Cycliste. Puis, en 1946, Eugène Cossec crée le Vélo-club landernéen, premier club exclusivement dédié au cyclisme, qui fusionne avec la Landernéenne et l’Amicale cycliste landernéenne en 1954. Né à Landerneau, Franck Henry (1892 - 1914) fait partie des grands espoirs du cyclisme français sur piste. Il remporte plusieurs courses importantes dont le Critérium du Midi en 1913 et 1914, devenant champion de France sur route des Indépendants. Malheureusement, il meurt prématurément, au début de la Première Guerre mondiale, en novembre 1914, à l’âge de 22 ans.

 

Jean Malléjac, (1929-2000), un landernéen en jaune

Né à Dirinon, Jean Malléjac, passionné de vélo, n’a que 20 ans en 1949 quand il devient coureur professionnel. Il le reste jusqu’en 1958. C’est en 1952 qu’il effectue son premier Tour de France avec l’équipe de l’Ouest avant de faire partie de l’équipe de France en 1955. Jusqu’alors inconnu, il devient le héros du Tour 1953 dans lequel il remporte une étape à Caen, endossant le maillot jaune pendant 10 jours avant de terminer second, derrière le breton Louison Bobet. En 1955, il abandonne la course dans le Mont Ventoux où il frôle la mort. Au total, il participe à six grandes boucles jusqu’en 1958, année où il fait une lourde chute qui l’oblige à abandonner. Après cette expérience, il se reconvertit comme moniteur d’auto-école et installe son propre établissement boulevard Victor-Hugo à Landerneau.

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